L'Apostille, 22 avril 2012

L’Apostille, 22 avril 2012

Bonjour à tous,

Nous avons été invités par l’empereur du club de Boisbriand mercredi dernier. Il est dit que son influence dépasse largement les limites du club, que même Dieu serait un subalterne, mais le cadre de mon Apostille ne me permet pas de préciser sur sa prestance. Quoi qu’il en soit, c’est au sein de son fief, dans lequel il daigne opérer ses fonctions de président, que sa grandeur Luc Turbide accueillit, outre ses membres et sujets, les membres du club de Rosemère et ceux du club de Laval. Une conférence sur les exoplanètes en obole.
C’est un David Lafrenière revigoré par une rare nuit complète de repos et qui entre deux changements de couche, accepta l’invitation de son excellence pour venir jongler avec ses planètes.
David fait partie de ceux qui posent des questions à l’univers et qui obtiennent des réponses. Les découvertes d’exoplanètes explosent, nous en sommes à plus de sept cent cinquante aujourd’hui. Presque toutes des grosses, les plus petites sont insaisissables pour le moment.
Nous avons appris les méthodes pour les débusquer. D’abord, celle de la mesure des vitesses radiales. Une planète, quelle que soit sa masse, induit un mouvement de rotation autour d’un point commun, le barycentre. La vitesse associée à ce mouvement est détectable par l’effet Doppler. De cette oscillation, on parvient à déterminer la période orbitale, l’excentricité de l’orbite et la masse de l’objet. Cette méthode a permis plus de cinq cents détections.
Une autre, dite par transit, consiste à mesurer la faible baisse de lumière que provoque un corps qui passe entre son étoile et notre ligne de visée. Cette méthode est à l’origine de plus de deux cents découvertes. Elle permet s’assigner une valeur à la période orbitale, la masse et la taille de la planète.
Le télescope spatial Kepler, d’un mètre de diamètre, observe par cette technique, plus de cent cinquante milles étoiles simultanément. On lui attribue, la découverte de plus de deux mille trois cents candidates, dont deux cent quarante-six terrestres, et de celles-ci, une dizaine dans la zone habitable, orbite de confort à l’apparition de la vie.
De ces études émergent des constats. Le plus important serait qu’il y a une très grande variété de planètes orbitant dans des systèmes tout aussi variés, que des planètes peuvent se former sur des distances de l’ordre de cent unités astronomiques, que pour chaque étoile, 1.6 planète voyagerait en toute liberté dans la galaxie, ou qu’un pour cent des étoiles aurait des Jupiter chaudes, de grosses planètes gazeuses très près de leur étoile.
Au retour de la pause, David n’en avait que pour la méthode par imagerie directe. Étant coauteur de l’invention de cette méthode et membre du trio qui a fait une percée remarquable en 2008, celle d’avoir réussi à obtenir les premières images d’un système planétaire, qui d’autre mieux que lui pour nous en expliquer la démarche.
Les défauts optiques intrinsèques à tous les instruments, sorte d’empreinte personnelle, modulent ou façonnent la lumière qui nous parvient des étoiles en un ensemble de tavelures et mouchetures. Bien que très proche d’un point, cette image englobe l’orbite des planètes recherchées.
Tous les gros télescopes fonctionnent en altazimutal. Ce principe laisse voir une rotation de l’image dans un oculaire ou une caméra, témoin de la rotation terrestre. On y remédie par un rotateur qui compense ce mouvement et notre image demeure bien droite. Comme l’ensemble de tavelures appartient au télescope, ce mouvement de rotation n’y change rien. Donc, notre triplet d’astronomes a eu la brillante idée stopper le rotateur. Les images successives conservent le même réseau tavelé en guise d’étoile, mais avec un déplacement des planètes entraînées par le fond du ciel. Il ne suffit alors que de soustraire le réseau tavelé pour voir apparaître la lumière des planètes. Et ça marche!
En 2008, après huit années de recherche, ils jetèrent leur dévolu sur une jeune étoile répondant au nom très poétique de HR 8799 dans la constellation de Pégase. On pointe l’étoile, un coup de pied dans le rotateur, on prend des photos, on les hache et le tour est joué. Bon!... Mon explication manque un peu de finesse, mais c’est en gros la méthode.
David nous expliqua que sa méthode ne fonctionne que sur les jeunes étoiles. Les planètes gravitant sous leur influence brillent encore fortement sur les braises de leur formation et deviennent plus facilement détectables en infrarouge. La méthode connue un succès en les faisant passé à l’histoire par la découverte de trois planètes autour de HR 8799. Depuis, le raffinement des données a permis la découverte d’une quatrième encore plus près de cette étoile.
La méthode n’en est qu’à ses débuts d’exercice, les appareils se raffineront et les découvertes se succéderont. Le GPI « Gemini planet imager » laisse entrevoir le rêve, des captures d’image en cinq minutes au lieu d’une heure et d’une netteté incroyable. Dans quinze à vingt ans, les terres habitables seront accessibles, répondront-ils à la plus vieille question de l’humanité? Le rendez-vous est pour demain.

De manière aléatoire et encore mercredi dernier, nous avons reçu la visite de Morphée. Ce Dieu du sommeil, sournois, qui s’immisce dans les locaux aux lumières tamisées pour y pratiquer ses méfaits favoris. Il connaît la faiblesse des gens et les exploite sans vergogne. Je l’ai déjà vu s’acharner sur Lucie Gagné et lui désarticulés les genoux, ou encore sur Stéphane Verreault en le plaquant sur une chaise, les bras ballants de chaque côté, vaincu. Par le passé, Il a bien essayé de me déstabiliser en me lançant du sable fin dans les yeux à quelques reprises, mais en vain. Mercredi, il a attaqué sa cible préférée, Yvon L’Abbé. Assis à quelques places en avant de moi, j’ai vu Morphée s’en prendre à la septième vertèbre cervicale d’Yvon. Sa tête roulait sur sa poitrine, comme une boule au bout d’une corde. Malgré la pugnacité d’Yvon, les attaques successives ont eu raison de lui à trois reprises. Il est grand temps que j’imagine un stratagème pour faire fuir cet importun, je sais pertinemment qu’il a peur du bruit.
À l’instar du talon d’Achille; la cervicale d’Yvon.

La fin de semaine prochaine connaîtra la trentième édition du camp NDM qui se tiendra encore au domaine St-Bernard. Et il reste encore quelques places disponibles. De toute façon, vous êtes tous invités à venir partager un bon moment avec nous. D’autant plus que samedi 28 avril, c’est la journée internationale de l’astronomie.

Mercredi prochain, nous recevrons, pour une septième fois, David Trudelle. Il nous entretiendra sur l’énergie sombre, la seule conférence que nous n’ayons encore vue.

Sur ce, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter de passer une bonne semaine, prenez bien soin de vous, un parapluie vous sera utile et au plaisir de vous revoir bientôt.


Gilles Brisson

Voici l'origine de l'image...
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